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La genèse d’Oracles

Attaquons un gros morceau  : aujourd’hui, j’ai l’intention de parler d’Oracles. Je ne considère pas forcément ce roman comme mon meilleur mais en tout cas, je crois qu’il s’agit de mon préféré, et je ne sais pas trop pourquoi. Peut-être à cause de son protagoniste, mon Oxyde d’amour à moi, principal héros de ma grande histoire (pour en savoir plus, lisez ce précédent billet). Dans le même temps, on parlera aussi de deux autres personnages qui ont contribué à la création de ce roman, à savoir Francesca et Verne.

Oracles a mis très peu de temps à émerger, plus ou moins six mois (plan, rédaction et corrections compris pour sa première version), un record à l’époque alors que j’avais passé plus de dix ans à écrire Tueurs d’anges. Surtout, de base, ce roman n’était pas prévu du tout. Il ne devait ni être relié à Tueurs d’anges, ni même exister  !

Attention : il n’y a pas de spoiler dans ce billet, mais quelques éléments qui pourraient vous gâcher un peu le plaisir de la découverte si vous êtes du genre à ne rien vouloir savoir avant de commencer un livre.

Le diable & la magicienne

J’ai toujours voulu écrire un truc sur le diable – sur le diable uniquement, pas Lucifer, notez. Ma vision initiale était celle d’un être immortel et immatériel qui prend diverses apparences au fil de l’Histoire, apparaissant aux yeux des gens comme il le veut, et se jouant d’eux comme le connard qu’il est. Dans l’histoire que j’avais imaginée, il se pose à notre époque et prend l’apparence d’un patron de boîte de nuit noir et richissime (un peu avec le look de Papa Midnite). La boîte de nuit en question s’appelait l’Oxyde (il n’y a aucune explication quant au choix de ce mot dont j’aime simplement la sonorité, à part peut-être cette bague de la créatrice Joanna Szkiela) (que je veux, cela va sans dire). Le gars s’amuse à rouler tous ceux avec qui il fait affaire  : il conclut des deals et trouve toujours le moyen d’arnaquer son prochain sans en avoir grand-chose à foutre.

Tricky

Tricky

Dans cet embryon d’histoire, il avait pourtant besoin de quelqu’un, pour une fois (ce qui se produit rarement). Je ne me rappelle plus trop la raison mais en tout cas, il embauchait une jeune femme tissant des sortilèges dans des bijoux. J’ai eu l’idée de ce personnage à l’époque où je tenais mon ancienne boutique Unseelie, en travaillant un bracelet avec des perles et du cuir. Je me disais : « C’est drôle, ça ressemble à un rosaire : une prière à chaque perle. Ou un sortilège, tiens  » .

C’était plus ou moins à l’époque où je travaillais sur une des versions les plus récentes de Tueurs d’anges, quand j’écoutais Tricky, que j’écoute souvent quand j’écris. La musique de Tricky s’accorde bien avec tout ça, l’album False Idols surtout. J’adorais (et j’adore toujours) Bonnie and Clyde et We don’t die (cette dernière est un peu l’hymne d’Oracles si vous voulez). J’aimais surtout la superposition des deux voix, que j’imaginais être celles de mes personnages  : à un moment dans l’histoire, le diable et la magicienne deviennent partenaires dans le cadre d’un plan organisé par le premier (sais pas quoi, par contre, puisque je n’y ai jamais réfléchi).

Et il devint Oxyde…

Un ancien projet de couverture pour le livre

Un ancien projet de couverture pour le livre

Dans le même temps, j’allais faire mon troisième tatouage. J’ai eu cette réflexion : « à toi qui as passé du temps à tatouer ce symbole, à toi dont je n’oublierai ni le visage ni le nom, qu’est-ce que je peux te donner pour que tu te souviennes de moi ? » Si ça vous sonne familier, c’est normal, c’est ce que j’ai raconté dans Souvenirs d’encre. L’histoire s’est esquissée dans ma tête sur le chemin du retour et j’ai écrit cette nouvelle en une journée le lendemain. J’ai recyclé mon diable pour le transformer en tatoueur du nom d’Oxyde, un sorcier qui aurait conclu un pacte non pas avec le diable mais avec quelqu’un d’au moins aussi peu recommandable.

Puis j’ai songé à ma magicienne et sans que je m’en rende compte, j’avais peu à peu l’esquisse d’une histoire plus vaste qui se dessinait. Et si Oxyde devenait l’égal d’Élias, le héros de Tueurs d’anges  ? Et s’il travaillait avec une magicienne renfermant ses sortilèges dans ses bijoux  ? Et si on racontait ce qui se passait avant l’Apocalypse de Tueurs d’anges  ? Bref, à ce moment-là, je faisais un peu moins la maligne, parce qu’il fallait inventer tout un pan de l’histoire en parallèle à celle d’Élias, et faire en sorte que toute la chronologie se déroule sans accroc. Ce fut d’ailleurs la première fois que je parlais de ma grande histoire, à l’époque…

De nouveaux personnages

J’ai appelé ma magicienne Francesca parce que j’écoutais toujours False Idols (la chanteuse qui accompagne Tricky s’appelle Francesca Belmonte). Son personnage a grandement évolué à l’écoute de A thousand suns de Linkin Park, avec son ambiance pré-apocalyptique, et surtout The Requiem.

J’ai pas mal travaillé sur Oxyde, réfléchissant à ses points communs et ses différences avec Élias, m’inspirant de la musique de Tricky (si pendant longtemps j’ai imaginé Oxyde à l’image de Tricky, ça a beaucoup changé aujourd’hui). Il a fallu lui trouver deux identités  : son vrai nom, qu’il vend avec sa mémoire au début d’Oracles (ne rêvez pas, je ne vais pas vous le révéler maintenant !), et l’identité d’emprunt qu’il est obligé de prendre parce que c’est utile d’avoir un nom dans la vraie vie, à savoir Joseph Carat (Et là, les lectrices & lecteurs d’Elisabeta se lèvent de leur chaise en disant ‘QUOI ?‘).

J’ai aussi ajouté le patron plein aux as de la boîte de nuit, Côme, qui devait au début être l’antagoniste et que j’ai fini par kiffer d’amour. Si vous lisez mes nouvelles, d’ailleurs, vous connaissez déjà Côme et Francesca.

Et enfin, Verne, l’associé d’Oxyde, un jeune gars avec qui il travaille dans leur boutique de tatouage, et aussi un sorcier possédant un don de double vue. En gros, Verne est carrément inspiré par celui qui s’est occupé de mon troisième tatouage. C’est une sorte d’hommage parce qu’il m’a inspiré le personnage d’Oxyde, le roman entier et peut-être même les trois-quarts de ma grande histoire…

Oxyde

Un visage, enfin

Oxyde par Xavier Collette

Le truc bizarre qui s’est passé, c’est que j’ai été incapable d’avoir une image précise d’Oxyde. D’ordinaire, mes personnages ont souvent un alter ego réel, une célébrité par exemple, qui pourraient les incarner physiquement (c’est ce que vous pouvez voir dans mes différents tableaux sur Pinterest), mais ça n’a pas été le cas pour Oxyde pendant longtemps. J’ai bien fait un portrait mais ça n’était concluant non plus… Et puis j’ai regardé la saison 2 de Sense8, et il y avait ce personnage secondaire, le garde du corps improvisé de Capheus joué par Lwanda Jawar, un acteur kényan. Certes, ça ne correspond pas tout à fait car Oxyde est franco-béninois, mais on se rapproche de ce que j’avais en tête. Et grâce à mon chéri, il a pris vie ! Le portrait ci-contre le représente au moment où Oracles se termine.

La date de la fin du monde

J’ai commencé à faire des plans, des fiches de personnages, des calendriers, j’ai rentré tout ça dans Scrivener, et en a résulté ce roman, Oracles, préquelle de Tueurs d’anges (que j’espérais indépendante, mais ça n’a pas pu fonctionner). J’ai passé des heures à définir au jour près certains événements pour que tout colle. La chronologie fut assez épique à mettre en place, d’ailleurs, puisque je travaillais à la main sur des calendriers que j’imprimais. Ça donnait souvent des résultats hasardeux, mal foutus, avec de nombreuses incohérences (parce qu’il y avait trop de chiffres, et quand il y a trop de chiffres, mon cerveau explose). Par chance, plus tard, j’ai découvert le logiciel Aeon Timeline qui est devenu ma base de données personnelle  : j’y entre, à chaque roman, toutes les dates importantes et le déroulé de l’intrigue (pour le moment, on va de 1087 à plus de 2032, et ce n’est fini).

C’est comme ça que j’ai défini cette fameuse date du 18 janvier 2016, la date du début de l’Apocalypse (le jour de la fin du monde étant fixé 600 jours plus tard, soit le 9 septembre 2017). Je l’ai choisi… totalement au hasard. Je voulais que la fin du monde se déroule au moment où j’écrivais et ça s’est donc goupillé comme ça.

C’est à partir de là que tout a commencé à s’enchaîner  : après Oracles, j’ai eu l’idée d’écrire une suite à Tueurs d’anges et tout le reste s’est greffé autour. À présent, les enjeux principaux de ma grande histoire se tournent tous ou presque vers Oxyde, ce qui n’était pas du tout prévu. D’un personnage créé un peu par hasard, j’en ai fait le héros de mon histoire, de cette fresque que j’ai à peine commencé à écrire et qui me prendra des années. Je sais déjà où je vais  : il reste maintenant à vous raconter comment on s’y rend :)

 

Avant de lire Oracles :
– Retrouvez Francesca et Côme dans les nouvelles Burn the WitchDialogue avec les ombres et La Boîte Noire
– Retrouvez Oxyde dans la nouvelle Souvenirs d’encre et La Boîte Noire, aussi
(pas de spoilers dans ces nouvelles !)

J’espère que cela vous aura donné envie d’en apprendre plus, et de lire le livre ! Et si vous avez des questions, encore une fois, n’hésitez pas :)

Photo de la bannière : Toa Heftiba
(le titre de cette photo est « don’t let life become a graveyard of buried hopes » et je trouve que ça correspond à merveille à Oxyde)

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