Quand le soleil s'éteint

Episode 1

Épisode 1

30 mars 2015

 

1. Étretat, Normandie
Musique : Good luck – Nima Fakhrara / The Signal (OST)

 

 

Ils accueillent la nouvelle comme un coup de poing dans l’estomac. Une gifle.

Lyes conduit, et Kathia est certaine d’avoir senti la voiture dévier légèrement, comme si le choc lui avait fait perdre sa concentration le temps d’un dixième de seconde. Personne ne moufte alors elle ne dit rien, elle se contente de tourner la tête vers le conducteur pour découvrir ses mâchoires crispées, ses yeux fixés sur la route devant lui, ses mains aux articulations blanchies accrochées au volant. Pendant ce temps, le présentateur du journal à la radio énumère les mesures prises sur un ton un rien angoissé.

Le silence dans l’habitacle met les nerfs de la jeune fille à rude épreuve. Pas un mot, pas un commentaire. Ils s’en doutent depuis la veille, l’annonce ne les surprend pas, mais ça n’empêche pas la déception et l’anxiété de déferler pendant le reste du trajet. Et même lorsqu’ils arrivent enfin, alors que Lyes gare la voiture sur le parking désert près de la falaise, alors que la mer s’offre à eux, tranquille étendue réchauffée par la lueur orangée du soleil, Kathia peine à tenir l’inquiétude à distance.

Pierre et Julien, à l’arrière, sortent en premier du véhicule sans rien dire. Lyes, lui, prend tout son temps pour couper le contact et récupérer la clef, enfermé dans son silence. La lumière du soir tombant jette des ombres rouges sous ses yeux fatigués ; son chagrin se lit dans ses sourcils froncés, les lèvres serrées dans une moue boudeuse, les ongles qu’il n’arrête pas de ronger. Mais avant que Kathia ouvre la bouche afin de rompre la tension qui règne, il sort de son mutisme :

— Ça va, ne t’inquiète pas.

Sa voix un peu cassée est claire, égale. Il sourit, presque, quand il se redresse, ce qui surprend Kathia.

— Je pensais que tu le prendrais plus mal que ça, répond-elle.

— On s’y attendait depuis des jours.

— Quand même.

Elle triture la sangle de son sac, hésitant à sourire à son tour, ou à éclater en sanglots. Le monde semble s’acharner sur eux depuis des semaines maintenant, alors qu’ils n’espéraient qu’une seule chose : aller au bout de leur voyage.

— Allez, viens, ajoute Lyes. Julien et Pierre ne nous ont pas attendus.

À travers le pare-brise crasseux, il désigne les deux silhouettes qui s’éloignent sur la place, auréolées de la fumée de la cigarette de Pierre. Kathia s’esclaffe.

— Tu as remarqué, j’espère, fait-elle d’un air entendu.

— C’est difficile de faire autrement.

Il n’y a rien de plus doux que de voir deux amis se rapprocher, découvrir avant eux les sentiments qui éclosent et grandissent. Kathia se sent la spectatrice privilégiée d’un début d’histoire, comme la lectrice d’un livre qui semble n’attendre qu’elle au beau milieu d’une bibliothèque. Elle se demande lequel des deux protagonistes se rendra compte en premier de ce qui se trame. Elle parie sur Pierre.

Les retardataires quittent la voiture, que Lyes verrouille avec soin, puis ils s’engagent sur le chemin qui conduit à la plage, bras dessus bras dessous.

Les falaises d’Étretat leur apparaissent, majestueuses, baignées de lumière, alors qu’ils avancent tous les quatre sur la bande de sable déserte. Ils sont comme seuls au monde, des naufragés recrachés par la route faisant escale sur un îlot de silence, une oasis balayée par un vent frais chargé de sel. Tout est calme, l’étendue d’eau est lisse tel un miroir, reflétant les nuances d’orange, de rose, d’indigo du ciel à mesure que le soleil descend vers l’horizon.

Ce soleil qui s’éteint. Un tout petit moins de lumière, comme si les éléments s’étaient accordés au chagrin de ces quatre jeunes gens qui n’ont pas encore vingt ans, à peine des adultes prêts à tout quitter pour réaliser le caprice de l’un des leurs. C’est un voyage qui tombe mal, sans doute, qui a lieu au plus mauvais moment, alors que l’étoile la plus proche de la Terre semble briller moins fort. Le phénomène est survenu l’année précédente, après une éclipse partielle : moins de luminosité, moins de chaleur… Les relevés de milliers d’instruments autour du monde sont formels, mais il est impossible d’expliquer pourquoi cela se produit. L’activité du soleil demeure habituelle, ce que confirment les satellites… mais la lumière apparaît plus ténue. Et il ne s’agit pas du seul événement étrange de ces derniers mois.

L’on a rapporté des phénomènes anormaux. Et beaucoup d’agitation. Un changement, bien que l’on ne sache pas quoi. À travers le monde, les populations ont perdu leur calme, devenues plus anxieuses, plus nerveuses. Plus crédules aussi, prêtes à croire n’importe quoi. L’on a assisté à beaucoup d’hostilité. Des agressions en plus grand nombre, des attentats. Susceptibilité et défiance sont le lot quotidien de chacun désormais, et rien ne semble capable d’apaiser la situation, pas même la certitude que le soleil brûle moins fort, pas même cette étrange maladie qui n’existait jusqu’ici qu’à l’état de rumeur.

Kathia sent sa gorge se serrer quand elle y songe, elle évite d’y penser depuis qu’ils sont partis il y a une semaine. Cela rend la réalité trop réelle.

Alors, au lieu de se triturer l’esprit, elle serre plus fort le bras de Lyes, et écoute les vagues aller et venir. Elle s’enivre de la couleur du ciel, de la texture de la roche sur ce mur sorti de nulle part, cette forteresse qui affronte la mer sans peur, la sensation du sable sous ses chaussures. Pierre et Julien se trouvent devant eux, ils marchent en silence eux aussi, trop prêts l’un de l’autre mais pas assez pour que Kathia puisse se faire une idée de la situation. Ils ne se sont pas déclarés, devine-t-elle. Ils ne sont vraiment pas pressés.

Ils avancent, tous les quatre, l’admiration brillant dans leurs yeux d’enfant face à ce paysage sorti d’un songe, et le poids d’un monde qui ne s’est pas encore tout à fait écroulé sur leurs épaules.

Étretat était le choix de Lyes, un endroit qu’il rêvait de voir, l’une des étapes de leur voyage ensemble. Un road-trip en hommage à leur ami Lucas. Au départ, ils devaient partir à six ; un drame plus tard, les voilà à quatre, parce que Kim, la petite-amie de Lucas, n’a pas souhaité se joindre à eux. « J’ai trop mal », confessait-elle. Elle s’est éloignée car leur présence à eux, leurs voix et les rares rires qu’ils sont encore capables de faire naître lui rappellent ce qu’ils avaient autrefois, et ce qu’ils ont perdu.

Ce voyage était une idée de Lucas. L’un de ces rêves farfelus dont il avait le secret et qu’il réalisait toujours. Chacun a droit à son étape, quelque part en France : un lieu inconnu à explorer ou un endroit chargé de souvenirs à montrer aux autres, et la route entre chaque point. Partis d’Orléans, ils ont d’abord fait cap à Marseille afin d’admirer les calanques, selon le vœu de Kim. Lyes tenait à voir où la jeune fille passait ses vacances quand elle était enfant, où elle a emmené son petit-ami l’année précédente. Même si Kim n’a pas voulu venir avec eux, Lyes trouvait important d’inclure cette étape dans leur voyage.

Ensuite, ils sont allés visiter les volcans d’Auvergne, d’où est originaire Pierre, le dernier arrivé dans leur bande. L’incroyable étendue verte a ébloui Kathia jusqu’à l’ivresse, elle qui aime tant les grands espaces ; elle y a reconnu le calme et la tempérance qui se cachent sous des couches et des couches de tempêtes, de colères et de révoltes dans l’esprit de Pierre, ce gamin perdu qui a tant souffert. À un moment, ils ont échangé un regard, et il a souri comme il le fait tout le temps, le soleil étouffé illuminant l’or de ses yeux. Là, Kathia a eu la sensation qu’il avait compris qu’elle avait compris. Qu’il savait qu’elle avait percé son secret à jour, ce calme enfoui sous terre comme un trésor trop brillant pour lui.

Puis est venu le tour de l’étape de Julien, qui voulait montrer le Fort Boyard à ses amis, en Charente-Maritime. Sur la plage de Fouras, il a raconté ses souvenirs d’enfance avec Lucas qu’il connaissait depuis la maternelle. D’entre tous, c’est lui qui éprouve le plus de difficulté à s’en remettre, bien qu’ils aient tous des raisons de souffrir de la mort de leur pote.

— On regardait Fort Boyard à la télé, a-t-il dit en essayant de cacher les sanglots dans sa voix. Il ne me croyait pas quand je disais que le fort n’était pas qu’un décor d’émission, qu’on pouvait le voir en vrai sur une plage.

Le soleil à la lumière déjà éteinte se couchait peu à peu, les enveloppant dans une pénombre teintée d’amertume. Kathia, qui adore faire des câlins à tout le monde, n’a pas pu s’empêcher de le prendre dans ses bras tandis que Julien pleurait sans retenue. Ce faisant, elle a remarqué combien ses amis n’en pouvaient plus de ressasser ces souvenirs, et qu’il était temps d’arriver au bout du voyage.

Mais le terminus surviendra plus vite que prévu. La fin du voyage, la fin du rêve, annoncée par la voix familière d’un animateur radio dans les enceintes de la voiture, alors qu’ils se mettaient en route ce matin.

La quarantaine sera décrétée dans tout le pays à partir de ce soir à 22 h. Elle est assortie de consignes strictes de confinement et d’un couvre-feu. L’armée va être déployée pour faire respecter ces consignes. Un état d’urgence sera déclaré dans les prochains jours.

Ils s’en doutaient, mais cela ne les a pas empêchés de partir. Il y a une semaine, l’on pensait encore que le foyer de l’épidémie se concentrait dans la capitale et, de toute façon, personne ne prenait vraiment cette maladie au sérieux. Du moins, personne n’imaginait que ce serait aussi grave. Voilà pourquoi ils n’ont pas voulu reporter leur voyage. Ils se sont mis en route juste avant le début de la quarantaine à Paris, sans la bénédiction de leurs parents ; il n’y avait guère que le frère de Lyes pour les couvrir.

Je ne peux pas vous garantir que ça se passera bien. Tout ce que je peux faire, c’est vous prévenir si j’ai du nouveau.

Il les a appelés, la veille : la situation s’aggrave à Paris mais aussi dans d’autres villes, comme Lille ou Lyon. La Bretagne semble épargnée ; peut-être que la Normandie en réchappera, ce qui leur permettrait de mettre les voiles.

Mais ils n’en auront pas le temps. Le gouvernement a décidé de confiner l’intégralité du pays.

Sans se concerter, ils s’arrêtent au beau milieu de la plage et prennent place dans le sable. Kathia remarque que ni Julien ni Pierre n’osent dire quoi que ce soit, que Lyes semble s’être muré dans un silence hérissé d’épines. Dans ces moments-là, c’est difficile de lui parler.

Kathia n’a jamais eu peur de s’y risquer ; elle sait depuis longtemps comment se frayer un chemin à travers ces ronces. Elle observe la mer quelques secondes – ces couleurs si inhabituelles dans les nuages, comme si la lumière étouffée du soleil avait changé la palette du peintre… –, puis sourit. Le vent dérange ses cheveux sombres attachés avec un élastique trop lâche qui laisse s’échapper des mèches folles.

— Et si on continuait quand même ? lance-t-elle sur un ton de défi qui ne lui ressemble pas.

Cela produit son petit effet : Julien lève les yeux au ciel, Pierre s’esclaffe en recrachant la fumée de sa cigarette, et même Lyes se tourne vers elle, perdant son air sérieux et tourmenté, un sourcil haussé. Kathia a toujours été la bonne élève, celle qui obéit et qui refuse tout net d’enfreindre les règles, la bêcheuse capable de dénoncer un camarade de classe si cela peut éviter une punition collective.

— Elle est devenue folle, commente Julien.

— Il était temps, le contredit Pierre.

— En même temps, tu as une mauvaise influence sur elle depuis le début. C’était à prévoir.

La jeune fille sourit en coin. Encore une fois, ces deux-là parlent d’une même voix, même pour dire le contraire, et ils ne s’en rendent pas compte. Ils se ressemblent un peu, en plus, comme s’ils avaient été conçus sur un seul modèle et reproduits par des dessinateurs différents. Les mêmes cheveux châtains, le visage fin… Julien paraît plus jeune, plus innocent, plus sage avec ses cheveux parfaitement coupés ; Pierre, lui, apparaît parfois comme sa version diabolique, plus cynique mais aussi plus ouvert. Kathia sait combien ils sont opposés tous les deux, et combien ils sont semblables.

Alors qu’ils se chamaillent, Lyes sourit sans les regarder, jouant avec le sable qu’il laisse s’écouler d’une main à l’autre.

— Tu continuerais, toi ? demande-t-il. Avec l’armée qui va écumer les routes et ramener les inconscients chez eux par la peau du cul ?

— Peut-être. Pas toi ?

Le sourire de Lyes s’efface. Il cesse son manège, puis soupire.

— On ne risque pas seulement de se faire arrêter si on poursuit, marmonne-t-il. Nous pourrions tomber malades. Et ça, ça me fait bien plus flipper que rentrer à la maison entre deux flics.

— Ouais, moi aussi.

Le silence s’étend de nouveau entre eux. Même Pierre ne sourit plus, alors qu’il sourit toujours pour un rien, le beau gosse ombrageux. Au loin, sur la mer, le soleil s’est éteint pour de bon, hors de portée des regards, brillant à demi au bénéfice de quelqu’un d’autre. La nuit va bientôt s’emparer du paysage et de leur liberté.

— Je suppose que si on rentre maintenant et que les militaires nous rattrapent, nous n’aurons pas de problèmes, hasarde Julien. Il faut bien qu’on retourne chez nous.

— J’imagine, répond Kathia. Peut-être que je devrais appeler mes parents…

Elle sort son téléphone de son sac mais le garde dans sa main sans même y jeter un regard. En fait, elle n’a pas envie de rentrer. Elle aimait ça, voyager, arpenter les routes un peu au hasard, se laisser porter… Cela ne lui était jamais arrivé de se trimballer ainsi avec des amis.

— Il ne restait plus que deux étapes, déplore Lyes. La tienne, Kathia, et celle de Lucas.

— On ira à Landrez une autre fois. Et pour Lucas… C’est pareil.

L’étape de Kathia se trouve en Bretagne, un village sur la côte, voisin de celui où elle passait ses vacances quand elle était gamine. Il y a là-bas un magnifique domaine avec un manoir et un phare abandonnés, une toute petite plage, et tellement de légendes qu’il leur faudrait une semaine pour toutes les connaître.

L’étape de Lucas se situe plus loin, à Brest, dans la maison dont son père a hérité, une demeure ancienne qui a vu la naissance et la mort de quatre générations de marins. Les disparus de la famille sont enterrés là-bas, ou honorés lorsqu’il n’y avait pas de corps à mettre dans le cercueil, quand la mer les a pris sans partage. C’est un endroit magnifique, avec des rochers coupants et meurtriers crevant les vagues, des phares au large – des enfers, qu’on appelle ça –, des bâtisses au toit d’ardoises. Ils y ont tous passé des vacances, deux ans auparavant. Tous les six, lorsque la bande était encore au complet, et pas endeuillée comme maintenant.

La fin du voyage, donc. Une épreuve, une ordalie avortée par la quarantaine. Poursuivre alors qu’ils pourraient tomber malades serait irresponsable.

— Même ça, je n’ai pas réussi à le faire… murmure Lyes.

Encore une fois, sa voix est claire, sans accroc ni sanglot. Assis en tailleur dans le sable, le dos courbé, il regarde la mer comme pour la mettre au défi de le contredire. Kathia sait combien il s’en veut. Elle sait aussi combien c’est inutile. Pas parce que ça ne ramène pas les morts, mais parce que ça ne permet pas de remonter le temps.

Lyes tenait à ce voyage car le terminus à Brest était un rendez-vous pris avec leur ami pour ses vingt ans, pour un second été ensemble à faire la fête, affronter les tempêtes de la Manche, rêver leur vie et compter les étoiles. Un rendez-vous qui devait avoir lieu dans trois jours, annulé par une maladie mystérieuse et mortelle qui ne laisse de chance à personne.

Ils savent ce qu’espérait Lyes. Kim aussi le savait, et peut-être est-ce pour cela qu’elle n’a pas souhaité les accompagner. La menace du Somm qui plane sur leur tête, le chagrin trop fort, la douleur trop vive, oui… mais aussi la crainte que Lyes se trompe. Ou alors qu’il ait raison.

— S’il doit revenir, il reviendra, déclare Kathia. Peu importe l’endroit. C’est toi qui l’as dit.

Sa voix tremble un peu. Elle a peur que Lyes lui reproche ces mots maladroits, mais il ne réagit pas. Il y a toujours le silence buté, et les épines, et la mer dans laquelle il aimerait parfois se jeter pour ne pas remonter.

— Je sais, répond-il.

Et c’est tout.

Ils voulaient participer au voyage parce qu’il y avait au bout la promesse faite par Lucas. Un rendez-vous pour son anniversaire. Une bravade, quelque chose que l’on dit pour rire, pour se mesurer au destin.

Si je meurs, vous me retrouverez là-bas. Dans le jardin, près des hortensias.

Après tout, Lucas avait vu, comme Kathia, comme Pierre, comme Julien, comme Kim, ce que Lyes était capable de faire. Le prof de maths en première, la crise cardiaque, et son esprit tourmenté qui erre dans les couloirs du lycée… Ce jour-là, Lyes leur a révélé son plus grand secret, le don qu’il porte en lui, celui de rendre la paix aux morts coincés entre deux mondes. Et Lucas le savait.

Son fantôme se trouve peut-être là-bas, désormais, dans ce jardin à Brest. Si Lyes culpabilise autant, si Julien pleure toujours quand il croit que personne ne l’entend, c’est sans doute parce qu’il n’est pas parti. Les morts ont cet effet-là sur les vivants : par leur présence, ils empêchent le deuil. Il faut les faire passer, alors, ce qu’ils avaient prévu, ensemble, d’accomplir une fois arrivés à destination. Un rendez-vous le jour de son anniversaire. Un cadeau, mais cette fois offert aux invités. Une dernière discussion avec Lucas. Lyes devait servir d’interprète.

Il y tenait tant qu’il a tout quitté pour partir : il a acheté une voiture avec ses économies et s’est mis ses parents à dos. Ils y tenaient tous. Et le rendez-vous n’aura pas lieu.

 

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